Type 055 : les « secrets » de fabrication pour le plus grand destroyer chinois

Le nouveau destroyer Type 055 de 12 000 tonnes est non seulement le plus grand navire de guerre de premier rang jamais construit pour la marine chinoise, mais c’est aussi, selon les propres termes de cette dernière, celui que représente le plus haut niveau manufacturière de la construction navale en Chine.

Plusieurs de ses « secrets » ont été révélés pour la première fois par l’armée chinoise dans un article paru vendredi dernier sur son journal officiel. Voici quelques extraits…

 

Type 055, les besoins de l’homme au cœur de son design

Mis à l’eau au chantier naval Changxing Jiangnan le 28 Juin 2017, le premier bâtiment Type 055 de série avait en fait déjà « rencontré » son futur équipage bien avant. En effet, lors que ce nouveau destroyer chinois n’était encore qu’en état de plan, les ingénieurs de l’Institut 701, bureau d’études spécialisé dans la conception des navires de guerre de surface du groupe naval CSIC, ont déjà montré l’agencement intérieur de plusieurs compartiments aux matelots et officiers de la marine chinoise qui recevront le bâtiment d’ici 2019.

Mais contrairement à toute attente, le premier retour sur les différentes cabines et compartiments était plutôt mitigé.

Un premier maître « machine » a parlé des odeurs désagréables de sueur et d’huile pourraient devenir persistantes, après chaque service, si l’espace est trop confiné et pas suffisamment aéré. D’autres soulignent par exemple le manque en hauteur du plancher dans les accès aux deux hangars d’hélicoptères, qui pourraient impacter la circulation des personnels et des matériels.

Munis de ces nombreux retours, les concepteurs ont revu une partie de leur designs, même pour ceux qui ont déjà été figés précédemment. Dix maquettes physiques à l’échelle, comme celles pour les cabines d’officier et de matelots, ont ensuite été construites pour que l’équipage puisse tester en grandeur nature leur futur environnement de vie jusqu’au moindre détail. Un changement fondamental de méthode de travail qui est impensable dans le passé.

« La première qualité d’un nouveau navire est la pleine satisfaction de son équipage », indique le directeur général adjoint du chantier naval Changxing Jiangnan, « L’homme reste au cœur de la conception d’une arme quelle qu’elle soit, et pas l’inverse. »

 

Innovation = Risque ?

GENG Long (耿隆), chef d’atelier d’assemblage, se rappelle encore de sa décision.

Selon le cahier de charge de la marine chinoise, la vitesse est un critère important pour le nouveau Type 055 et l’utilisation d’un « certain » matériau spécial ¹ plus léger semble être le meilleur choix technique qui existe, bien qu’il soit très facilement déformable lors du soudage.

GENG devrait alors faire face au dilemme, entre un nouveau matériau dont son soudage représentait encore une difficulté technique dans toute la Chine à l’époque, ou un autre matériau classique dont les caractéristiques et le processus de travail sont maîtrisés. Le planning imposé par le client, la marine chinoise, est si serré que toute prise de risque inconsidérée n’est tout simplement pas considérable.

Ce n’est qu’après près de mille essais que l’équipe de GENG a enfin trouvé une procédé particulière qui lui a permis de choisir la voie qui semblait être beaucoup plus risquée au début.

Mais arriver à souder les matériaux ensemble n’est qu’un premier obstacle, comment les cintrer en différentes formes voulues pour les modules de la coque devient rapidement une autre difficulté majeure pour le chantier naval chinois.

Une équipe combinant le bureau d’études, le chantier naval et les fabricants de machines spéciales a été formée rapidement pour développer une machine de cintrage à froid tridimensionnelle à contrôle numérique.

Face à cette machine géante capable d’appliquer une pression de plus de 6 000 tonnes, l’ingénieur en chef de Changxing Jiangnan rigole : « C’est bien lui l’artefact qui a résolu enfin tous nos problèmes… ».

« Ce projet est comme un filet qui nous a poussé à développer toutes les innovations, aussi petites qu’elles soient, et à les tisser ensemble », indique GENG non pas sans émotion.

 

Un projet « millimétrique » qui met l’homme sous les ordres de machine

La mise à l’eau du premier Type 055, d’une forme totalement différente des navires de guerre chinois habituel, a rapidement fait le buzz sur la toile internet en Chine.

« Tout le monde du chantier s’est donné corps et âme pour cette belle façade »,  raconte le « maître soudeur » CHEN Jing Yi (陈景毅), élu meilleur ouvrier de Chine avec plusieurs brevets en domaine de soudage à la poche, « Il nous est demandé de contrôler la dimension de chaque module principal à une précision de 2 à 3 millimètres, pour que les modules puissent s’assembler sans ajustement majeur, mais personne n’avait réussi à trouver la méthode pour le faire au début. »

Type 055

Deux autres destroyers Type 055 en construction simultanée au chantier naval de Dalian

Lors des réunions d’analyse, certains experts pointent le doigt sur le processus et la gestion de qualité, soulignant que même si les procédés étaient correctes et sont assistés par les robots, mais le contrôle était toujours fait suivant l’expérience personnelle de chaque technicien.

CHEN, avec son équipe, s’est lancé alors dans un projet pour mettre en réseau toutes les machines de soudage et les relier à une grande base de données, afin de contrôler avec précision les paramètres de chaque point de soudure.

« Avant, c’est l’homme qui disait à la machine comment faire, maintenant c’est la machine qui guide l’homme dans chacune de ses gestes », précise CHEN, « Tous les paramètres sont pré-configurés dans chaque machine, y compris le courant et la tension électrique, et le système va automatiquement arrêté le soudage et le travail de l’homme si les choses sortent de la tolérance. »

Avant que ce soit une révolution dans la méthode de travail de tous les jours pour les techniciens, c’est avant tout un changement culturel majeur pour eux et pour l’industriel chinois.

Et c’est probablement ceci la plus-value la plus importante apportée par le projet Type 055.

Henri K.

 

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Et si la vision du monde est "biphasée" ? C'est ce que Henri a toujours cru, c'est également comme cela qu'il voit la Chine. Maladroit dans son écriture, souvent perdu dans ses pensées, ce responsable technique en aéronautique essaie pourtant de partager avec vous chaque jour les actualités sur l'Empire du Milieu, avec notamment les éléments à la source que vous ne verrez probablement jamais ailleurs en France.

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