Supercalculateur : l’écart se creuse entre la Chine et les Etats Unis

Si la course en matière de supercalculateur était encore plus serré que jamais entre les Etats Unis et la Chine il y a cinq mois, lors de la 49e édition du TOP500 qui a eu lieu au mois de Juin en Allemagne cette année, l’écart entre ces deux rivaux se creuse presque « soudainement » dans le nouveau classement des 500 supercalculateurs les plus puissants au monde publié il y a quelques jours.

Désormais, plus de 40% de supercalculateurs les plus rapides dans le globe sont localisés en Chine, qui garde aussi jalousement les deux premiers places du podium depuis maintenant deux ans consécutifs. On remarquera alors qu’il y a encore 15 ans, aucun supercalculateur d’origine chinoise ne figurait sur la liste.

Les Etats Unis, quant à eux, ne comptent plus que 143 machines classées dans le nouveau TOP500, contre 169 auparavant (et 160 pour la Chine), le plus bas niveau jamais atteint depuis la création du classement en 1993, mais ils gardent toujours une très confortable longueur d’avance par rapport aux autres pays, loin devant le Japon, 3e mondial, qui n’en ont que 35.

Supercalculateur

Les 5 plus puissants supercalculateurs au monde, dans la 50e édition du classement TOP500

Avec une puissance de calcul de 93 péta-flops par seconde, c’est à dire 93 millions de milliards, ou 93 × 1015, d’opération en virgule flottante par seconde, le supercalculateur Sunway TaihuLight monopolise le trône de TOP500 depuis maintenant quatre éditions et reste toujours presque trois fois plus rapide que le deuxième du classement, un autre supercalculateur chinois Tianhe-2, qui développe une puissance de 33 péta-flops.

Le Sunway TaihuLight est également le premier supercalculateur au monde capable de franchir la barre de 100 péta-flops, plus de 125 péta-flops au pic, avec des processeurs RISC 64-bits Sunway entièrement conçus en Chine. Il est hébergé aujourd’hui au Centre national de supercalculation de Wuxi et co-exploité par l’Université Tsinghua à Pékin.

La troisième place du podium revient au suisse Piz Daint, le plus puissant en Europe avec un peu moins de 20 péta-flops au feu.

La « petite » surprise de ce nouveau TOP500 est le grand bond en avant en termes de nombre de supercalculateurs chinois entrés dans la liste. Si la Chine n’avait encore que 167 supercalculateurs classés il y a exactement un an et 160 en mois de Juin cette année, le pays compte désormais 202 machines de très haute performance et laisse maintenant les Etats Unis, avec ses 143 machines, loin derrière.

En revanche, avec un parc que représente 40,4% de supercalculateurs dans le TOP500, les machines chinoises ne totalisent que seulement 35,4% de capacité de calcul totale. Ces chiffres sont de 28,6% et 29,6% pour les Etats Unis, puis 7% et 10,8% pour le Japon, troisième pays le plus « peuplé » en supercalculateur dans le monde.

Cela se traduit notamment par le fait que peu de supercalculateurs chinois sont parmi les 100 meilleurs – 6 au total – qui occupent respectivement la 1er, 2e, puis 52e, 64e, 73e et 96e place, contre la présence de 33 supercalculateurs américains.

Mais si on a pu observer une relative rareté et disparité chinoise dans la tranche des 100 premières machines mondiales, leurs supercalculateurs prennent place équitablement dans toutes les tranches suivantes.

Par exemple, dans la tranche du 100e au 199e supercalculateur le plus puissant au monde, 49 entre eux sont chinois. On retrouve 58 pour la tranche des 200e, 48 pour les 300e, et 41 pour les 400e.

Un tel constat est intéressant dans le sens que cela pourrait démontrer, d’une certaine manière, que le développement de supercalculateur en Chine n’est pas uniquement dédié à une course aux plus de flops, mais organisé de façon homogène et omnidirectionnelle.

Cela permettrait d’adresser aux besoins de niveau d’exigence différent en puissance de calcul, et éviter ainsi le sur ou double investissement et donc du gaspillage dans l’exploitation réelle, en ayant toujours à disposition de quelques supercalculateurs ultra-puissants à la pointe de la lance pour les calculs très complexes.

Mis à part ce ratio du nombre de machines par rapport à la capacité totale, on notera que les supercalculateurs chinois sont, en moyenne, moins « verts » que leurs concurrents.

Même si les données ne sont pas complètes, mais l’efficacité énergétique des machines chinoises, qui se mesure par la quantité des opérations par seconde que peut générer avec 1 Watt de puissance consommée, se situe à un niveau assez bas, à seulement 1,40 GFlops/W, loin derrière les plus économes de tous, les machine japonaises, avec une efficacité énergétique moyenne de 5,59 GFlops/W, suivies par les suisses à 4,51 et les canadiens à 4,14.

Mais il existe aussi des exceptions – le Sunway TaihuLight par exemple est non seulement le plus puissant supercalculateur au monde mais aussi le deuxième plus efficace énergétiquement parlant en Chine, avec un taux de 6,05 GFlops/W.

La machine chinoise la plus écologique revient à Era-AI conçu par le constructeur chinois Sugon pour des fins académiques. Pour chaque Watt dépensé, le supercalculateur est capable d’effectuer 8,60 GFlops en opération.

Le fait que près de la moitié de supercalculateurs chinois, 100 sur 202, n’ont pas fourni de chiffres pour leurs consommations aurait aussi pu fausser la moyenne, dans un sens comme un autre.

Supercalculateur

Efficacité énergétique moyenne des supercalculateurs par pays (Image : East Pendulum)

Quant à la France, le nouveau TOP500 compte désormais 18 supercalculateurs français, soit un de plus par rapport au milieu de l’année, ce qui met l’hexagone en 5e position derrière l’Allemagne (21) mais maintenant devant le Royaume Unis (15). Elle réduit ainsi l’écart avec l’Allemagne qui avait 28 supercalculateurs classés précédemment et met aussi de la distance par rapport l’Angleterre qui en avait 17 au milieu de l’année.

Le plus puissant supercalculateur français est le Pangea, conçu par l’américain Hewlett-Packard pour le compte de Total Exploration Production. Il est doté de plus de 220 000 processeurs Xeon E5-2680 pour une puissance de calcul de 5,3 péta-flops par seconde, et occupe désormais la 21e place mondiale, en léger recul de deux places.

Le supercalculateur de Total est suivi de très près par Tera-1000-2, le 23e au monde qui est développé cette fois-ci par le français Bull pour le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA). Avec 208 896 processeurs d’Intel Xeon Phi 7250, ce supercalculateur dédié à la recherche affiche 4,97 péta-flops par seconde au compteur, pour une efficacité énergétique de 3,98 GFlops/W, bien meilleure que le Pangea avec ses 1,27 GFlops/W.

Aujourd’hui, il est difficile de dire jusqu’où la Chine peut encore préserver son avance par rapport aux Etats Unis. Le DoE, United States Department of Energy, s’apprêtait à allouer plus de 258 millions de dollar US à six sociétés américaines pour mettre au point le supercalculateur de demain de puissance exa-Flops, des machines 10 fois plus puissantes que le chinois Sunway TaihuLight d’aujourd’hui, à l’horizon 2021.

Les Chinois, quant à eux, ont déjà inclus le développement de supercalculateur exa-Flops dans le 13ème plan quinquennal (2016-2020) du pays. Trois entités chinoise, le Sugon Information Industry (中科曙光) soutenue par l’Académie chinoise des sciences (CAS),  la National University of Defense Technology (NUDT) ainsi que l’Institut 56 de l’État-major chinois, ont déjà reçu l’autorisation et le financement pour lancer chacun leur propre prototype.

L’objectif visé est de finaliser les premiers prototypes d’ici 2018-2019, et les modèles opérationnels vers 2020-2021.

A suivre.

Henri K.

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Et si la vision du monde est "biphasée" ? C'est ce que Henri a toujours cru, c'est également comme cela qu'il voit la Chine. Maladroit dans son écriture, souvent perdu dans ses pensées, ce responsable technique en aéronautique essaie pourtant de partager avec vous chaque jour les actualités sur l'Empire du Milieu, avec notamment les éléments à la source que vous ne verrez probablement jamais ailleurs en France.

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