4e triplet militaire YG-30 mis en orbit

5 lancements spatiaux en 17 jours, le tout en un seul mois de Janvier. Voici le bilan temporaire que nous pouvons retenir pour ce début d’année 2018 qui s’annonce déjà très chargé en activités spatiales chinoises. En effet, la Chine a mis en orbite ce jeudi 25 Janvier son 4e et probablement le dernier triplet militaire YG-30, qui serait dédié au renseignement électronique, ainsi qu’un petit satellite NanoSat-1A, grâce à un lanceur CZ-2C dans le centre spatial de Xichang (XSLC).

A noter que le précédent lancement chinois a eu lieu seulement 6 jours auparavant dans un autre centre spatial, celui de Jiuquan (JSLC), où 6 satellites ont été placés sur leur orbite cible à l’aide d’une fusée CZ-11.

Selon le plan annoncé en fin 2017 par le groupe d’aérospatiale chinois CASC, concepteur des fusées Longue Marche, le plus grand constructeur aérospatial du pays va mener « plus de 30 lancements » en 2018, alors que le compteur s’est arrêté aux 18 tirs au 31 Décembre 2017 et la Chine n’a jamais effectué plus de 22 lancements en un an dans son histoire.

Si on tient compte en plus des lanceurs Kuaizhou d’un autre groupe chinois CASIC ainsi que les petits acteurs chinois qui devraient aussi proposer leurs vecteurs, on pourrait s’approcher en fait de plus de 40 tirs en 2018.

Mais revenons d’abord au lancement du triplet militaire YG-30.

 

Le lancement

Conçu par l’Académie chinoise de technologie des lanceurs (CALT), filiale du groupe d’aérospatiale chinois CASC, le CZ-2C est un lanceur de deux étages à ergols liquides spécialisé dans les lancements en orbite basse (LEO) et en orbite héliosynchrone (SSO).

Il s’agit d’un lanceur de « vieille » génération utilisant des propergols hypergoliques, qui fait 43,72 mètres de haut et 245 tonnes au décollage, et capable de placer jusqu’à 3 300 kg en orbite LEO circulaire 300 km × 29° depuis le centre spatial de Xichang (XSLC).

Treize satellites chinois avec capsule de retour, des satellite américains Iridium, ainsi que plusieurs satellites militaires et expérimentaux chinois ont déjà été lancés grâce au CZ-2C, qui totalise aujourd’hui 42 succès sur 43 missions de vol rendues publiques.

Le seul échec du lanceur date du 18 Août 2011 durant le lancement du satellite militaire SJ-11-04. Une défaillance mécanique du 2e étage serait mise en cause.

Le CZ-2C est également employé comme fusée porteur pour différents engins militaires, comme le planeur hypersonique DF-ZF pour ses sept derniers essais. Ce qui n’est pas surprenant en soi quand on sait qu’elle est dérivée directement du missile ICBM chinois DF-5.

Le lancement du triplet YG-30 Groupe 04 (遥感30号04组) a eu lieu ce jeudi 25 Janvier à 13:39:04.986 heure locale précisément, sur le pas de tir n°3 de XSLC. Ce pas de tir qui a l’habitude d’accueillir des fusées plus grandes telles que les CZ-3 va rester dans cet état technique, configuré pour supporter le CZ-2C, au moins jusqu’au Nouvel An chinois en mois de Février pour y effectuer d’autres lancements

Selon un communiqué de l’Institut CALT, le lanceur CZ-2C sera utilisé cette année dans plusieurs missions de lancement et ce à différents centres spatiaux. Le texte a cité par exemple le satellite océanique franco-chinois CFOSAT (Chinese-French Oceanic SATellite) et un satellite de télédétection pakistanais.

Le CZ-2C est d’ailleurs la fusée ayant déjà été lancée depuis les trois centres spatiaux chinois TSLC, JSLC et XSLC (mais pas encore au WSLC, le nouveau et 4e centre spatial chinois sur l’île de Haïnan).

Tout comme pour le premier lancement en triplet en Septembre 2017, les ingénieurs de CZ-2C ont conçu un nouveau support sous la coiffe pour fixer les trois satellites. Cette nouvelle configuration va être intégrée d’ailleurs au plan « V4.0 » que l’institut CALT a prévu pour prolonger la carrière déjà très longue de la fusée.

L’objectif est de réduire davantage le cycle de préparation de CZ-2C et fait de lui un vecteur fiable, réactif et très bon marché pour les petits satellites, notamment ceux qui sont trop grands pour les nouveaux lanceurs à ergol solide comme le CZ-11 et KZ-1A.

Contenu de la situation géographique du centre XSLC qui entre dans la saison de vent fort à haute altitude, les ingénieurs ont également reprogrammé le système GNC pour pallier ce problème, ainsi que d’autres ajustements techniques à cause du taux d’humidité plus élevé dans une région très orageuse.

Un seul message aux navigants aériens (NOTAM) a été créé pour signaler une zone de retombée située au plein centre de la province de Guizhou très montagneuse. La même zone avait été créée lors du lancement du triplet Groupe 03 fin Décembre l’année dernière.

A0262/18
Q) ZPKM/QRTCA/IV/BO/W/000/999/2647N10713E015
A) ZPKM B) 1801250531 C) 1801250551
E) A TEMPORARY RESTRICTED AREA ESTABLISHED BOUNDED BY:
N263510E1072251-N264300E1065708-N265820E1070259-N265028E1072844
BACK TO START.VERTICAL LIMITS:GND-UNL. ALL ACFT SHALL BE FORBIDDEN
TO FLY INTO THE RESTRICTED AREA.
F) GND G) UNL

YG-30

La zone de retombée (en jaune) et la trajectoire du vol du lanceur CZ-2C (Image : East Pendulum)

Selon les données de NORAD, les trois satellites YG-30 ont été injectés sur une orbite de 594 km × 602 km × 35°, d’une périodicité de 96,63 min.

Un autre satellite, NanoSat-1A, ou aussi connu sous le nom de CX-6-06, a également été placé en orbite ainsi que le dernier étage du lanceur CZ-2C.

YAOGAN-30 K
1 43169U 18011A 18026.75665388 .00000001 00000-0 28563-5 0 9999
2 43169 34.9952 175.6449 0005147 276.5557 83.3967 14.89986964 209

YAOGAN-30 L
1 43170U 18011B 18026.82326461 .00001834 00000-0 18760-3 0 9996
2 43170 34.9940 175.2411 0007772 286.8428 73.1433 14.90364846 217

YAOGAN-30 M
1 43171U 18011C 18026.82319911 -.00000834 00000-0 -81230-4 0 9993
2 43171 34.9927 175.2424 0007896 285.1054 74.8785 14.90422409 219

CZ-2C R/B
1 43172U 18011D 18026.82316809 .00074510 00000-0 74127-2 0 9992
2 43172 34.9936 175.2412 0008310 286.8609 73.1184 14.90480123 215

2018-011E
1 43173U 18011E 18026.79045465 -.00002630 00000-0 -79278-4 0 9996
2 43173 34.9670 174.9289 0151469 24.4289 336.3511 15.22165677 233

 

YG-30, une nouvelle constellation SIGINT à haute revisite ?

Tout comme les trois premiers triplets lancés en Septembre, Novembre puis Décembre 2017, ce nouveau YG-30 Groupe 04 est conçu par le Shanghai Engineering Center for Microsatellites (SECM), filiale de l’Académie chinoise des Sciences. On notera que le SECM a donné un autre nom à ces satellites, Chuang Xin 5 (CX-5, 创新5号), qui veut dire « Innovation 5 » en chinois.

YG-30

Le 10e au 12e satellite de la constellation d’écoute électronique (?) YG-30 (Image : CCTV)

On pensait initialement qu’il s’agirait des satellites de reconnaissance SIGINT pour déterminer la position des flottes navales en basant sur leurs émissions électromagnétiques, et de suivre les mouvements de celles-ci, à l’instar des autres trios chinois YG-9, YG-16, YG-17, YG-20 et YG-25, lancées entre 2010 et 2014 et placées sur des orbites de 1 100 km × 1 100 km × 63°.

Mais notre collègue Clément a remarqué que les satellites de triplet YG-30 Groupe 01 et Groupe 02 ne volent pas en formation serrée, espacés de quelques dizaines de kilomètres, mais plutôt placés à 120° les uns des autres, trop espacés pour pourvoir trianguler des signaux.

En revanche, la faible inclinaison de ces nouveaux satellites laisse penser qu’ils sont plutôt dédiés à la surveillance des zones de basse latitude (N35° à S35°), comme l’océan Indien, la mer de Chine méridionale et la mer des Philippines par exemple, et permettra d’accroître la période de revisite et améliorer donc l’efficacité de la surveillance de ces régions priorisées.

Les calculs de Clément montrent qu’avec trois triplets donc un total de neuf satellites, 19 passes par tranche de 24h pourront être réalisées pour un site à la latitude de Taipei (25° Nord). Et ce sont des passes avec moins de 45° de dépointage, ce qui veut dire que l’angle de vue est relativement proche de la verticale et donc que les passes sont exploitables pour un satellite d’imagerie. Si l’on prend en compte un dépointage maximal de 85°, ce qui reste exploitable pour un satellite d’écoute électronique, alors il y a jusqu’à 54 passes par 24h, et les trous dans la couverture fournie par la constellation durent au plus 22 minutes. Il y a donc une couverture quasi constante.

YG-30

Couverture estimée des trois triplets YG-30 (Image : satelliteobservation.wordpress.com)

Mais on devrait attendre des éléments futurs pour confirmer si ces trois groupes de satellite YG-30 sont effectivement des satellites dédiés aux « expériences techniques sur l’environnement électromagnétique en orbite », ce qui est un euphémisme pour désigner l’écoute électronique militaire, ou des satellites d’imagerie comme suggérés par certains analystes.

 

Statistique historique

Statistiquement, ce lancement de YG-30 Groupe 04 est le 5ᵉ lancement spatial chinois en 2018, le 45ᵉ pour le lanceur CZ-2C, et le 265ᵉ pour la famille des lanceurs Longue Marche.

Pour l’heure, les fusées Longue Marche du groupe CASC totalisent 254 succès et 11 échecs, soit un taux de réussite de 95,85%.

Voici le tableau de suivi de tous les lancements spatiaux chinois effectués depuis le premier en 1970, incluant ceux qui ne sont pas réalisés par les lanceurs Longue Marche –

YG-30

Tableau de suivi des lancements spatiaux chinois – Date : 2018-01-25

Henri K.

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Et si la vision du monde est "biphasée" ? C'est ce que Henri a toujours cru, c'est également comme cela qu'il voit la Chine. Maladroit dans son écriture, souvent perdu dans ses pensées, ce responsable technique en aéronautique essaie pourtant de partager avec vous chaque jour les actualités sur l'Empire du Milieu, avec notamment les éléments à la source que vous ne verrez probablement jamais ailleurs en France.

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