Le Turkménistan s’équipe en « Made in China »

Un SUV militaire, un système de communication longue portée, deux radars de surveillance mobile, trois modèles de drones dont deux armés, trois types de missile anti-aérien, voici la panoplie des matériels militaires « Made in China » que le Turkménistan a fait défiler jeudi dernier, lors de la parade militaire pour célébrer ses 25 ans d’indépendance.

Si les armements russes restent majoritaires au sein des forces armées turkmènes, la modernisation de leur moyens de communication, de surveillance et de défense anti-aérienne semble avoir intégré désormais une forte dose d’ingrédients chinois.

Le premier équipement chinois qui s’est défilé sous les yeux du président turkmène Gurbanguly Berdimuhamedow est un banal véhicule SUV militaire, de modèle Dongfeng Warriors EQ2050F, qui est également utilisé dans l’armée chinoise.

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Après une vague des matériels d’artillerie datant de l’époque soviétique, plusieurs drones chinois ont été présentés sur les camions, à commencer par le drone-cible subsonique II-250K, conçu par le NRIST (connu aussi sous le nom de l’Institut de recherche n°60 de l’État major chinois).

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On sait très peu sur ce drone-cible qui est employé par l’armée chinoise pour simuler les missiles de croisière, si ce n’est que sa vitesse qui est de 250 m/s, d’où sa référence II-250.

La série II existe en trois modèles, K pour l’armée de l’air, H la marine et Z l’armée de terre. Physiquement il n’y a pas de différence entre la version K et H, et le modèle choisi par le Turkménistan ressemble à ces deux modèles mais étant donné la géographie du pays, la version II-250K semble être le plus approprié.

Les drones cibles II-250K et II-250H de NRIST

Les drones cibles II-250K et II-250H de NRIST

Après le drone-cible pour entraîner ses forces de défense anti-aérienne, vient ensuite le drone armé WJ-600A/D conçu par le groupe aérospatial chinois CASIC. Il s’agit d’un drone qui vise une relativement grande vitesse, 900 km/h, au détriment de sa capacité d’emport et de son autonomie.

Le WJ-600A/D a la forme d’un gros missile de croisière mais est doté d’une voilure d’envergure moyenne, qui lui permet d’emporter deux petites munitions, avec un poids total n’excédant pas les 130 kg. Le Turkménistan devrait avoir acquis le drone avec le CM-502KG, un missile anti-char de 25 kilomètres de portée et équipé d’une tête explosive de 11 kg.

Le drone a été présenté pour la première fois au Salon aéronautique de Zhuhai en 2010. Malgré le buzz de l’époque autour de lui, son positionnement un peu atypique et sa faible autonomie – inférieur à 1 500 kilomètres ou 5 heures de vol au maximum – font que l’armée chinoise ne s’est jamais intéressé à lui.

Mais ces caractéristiques techniques semblent correspondre aux besoins des forces armées turkmènes – le territoire du Turkménistan n’est long que de 1 200 km, et le pays a environ 700 kilomètres de frontière commune avec l’Afghanistan. Dans la lutte contre le terrorisme qui préoccupe également les Turkmènes, le WJ-600A/D permet d’atteindre n’importe quel point de la frontière en moins de 30 minutes, et représente donc un avantage tactique par rapport à d’autres drones MALE, qui ont certes une plus grande autonomie mais volent à une vitesse deux voir trois fois inférieure.

Selon la brochure de CASIC, le drone se lance comme un missile de croisière sur une rampe et se pose au sol à l’aide d’une parachute.

Le dernier drone armé qui a défilé est le CH-3 conçu par la CAAA, filiale d’un autre groupe aérospatial chinois CASC (à ne pas confondre avec le CASIC). C’est un drone avec 12 heures d’autonomie en vol et d’une capacité d’emport de 80 kg, ce qui lui permet de porter deux missiles anti-char AR-1 ou deux bombes guidées YC-200.

Le CH-3 turkmène semble avoir adopté le missile AR-1 comme arme principale, si l’on croit au modèle présenté à la parade militaire.

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Après les drones, les forces armées turkmènes ont aussi fait défiler trois modèles différents de communication et de radar chinois.

Le véhicule avec deux paraboles sur le conteneur est le TS-504 du groupe CETC. Il s’agit d’un système de communication par réflexion ionosphérique, ce qui lui permet d’établir des canaux de communication haut débit sur plusieurs centaines de kilomètre, et ce sans être limité par le relief du paysage.

Véhicule de communication mobile TS-504

Véhicule de communication mobile TS-504

Quant aux radars chinois, tous deux font parties des systèmes SAM également acquis par les forces armées turkmènes. Le premier est le YLC-18 pour la surveillance 3D en basse altitude. Et l’autre radar est le YLC-2V, version d’export de K/LLQ-305B pour l’armée de l’air chinoise qui fait partie du système SAM chinois HQ-9. Il est servi comme radar d’acquisition 3D de haute altitude.

Au niveau de la défense anti-aérienne, le Turkménistan s’est visiblement procuré trois systèmes chinois pour adresser trois segments de besoin totalement différents et pourtant étroitement liés.

Pour la défense de courte portée contre les cibles aériennes volantes à basse altitude, les Turkmènes ont choisi le FM-90, version d’export de HQ-7B utilisé par l’armée de terre chinoise depuis de nombreuses années, et qui va être progressivement remplacé par les nouveaux HQ-17.

Le HQ-7 étant un produit issu du reverse engineering du Crotale français, les principales caractéristiques sont assez similaires. Les Chinois ont apporté quelques améliorations en terme de l’ECM, de la portée et de la réactivité du système. Le FM-90 peut traiter des cibles volantes à moins de 750 m/s et sous 6 000 mètres d’altitude, sur un rayon maximum de 15 kilomètres.

Pour la défense des sites fixes importants, les forces armées turkmènes ont adopté le KS-1A, version d’export de HQ-12. Il s’agit d’un missile anti-aérien d’une portée de 50 kilomètres maximum, pour intercepter des engins qui évoluent entre 500 et 27 000 mètres d’altitude.

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Les missiles de KS-1A sont stockés et lancés depuis les tubes de lancement, contrairement au HQ-12 de l’armée de l’air chinoise qui en est dépourvu.

Pour se doter d’une capacité de défense anti-aérienne longue portée, le FD-2000 du groupe CASIC a été choisi. C’est le même modèle qui a battu le PAC-2, le SAMP/T et le S-300PMU2 dans l’appel d’offre lancée par la Turquie il y a quelques temps, avant que les Turcs, qui auraient subi des pressions de l’OTAN, reviennent sur leur décision.

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Le FD-2000 est une version d’export de HQ-9 avec des performances amoindries. Malgré cela, le système peut suivre jusqu’à 64 vagues de cible et guider simultanément 16 missiles. La portée maximum du missile est de 125 kilomètres contre les aéronefs, ou de 27 kilomètres contre les missiles balistique, et ce jusqu’à 27 000 mètres d’altitude.

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Avec une politique diplomatique totalement « neutre », dont ce statut est reconnu par la constitution et par la communauté internationale, le Turkménistan ne s’est pas beaucoup rapproché des États Unis après la chute de l’URSS en 1991, contrairement à d’autres pays de l’Asie centrale.

Le Turkménistan est également le seul des 5 pays en Asie centrale à ne pas être l’état membre de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), une organisation intergouvernementale régionale asiatique qui regroupe la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan. Mais ce rapprochement récent avec la Chine dans plusieurs domaines militaires, qu’on peut voir ici à travers les matériels acquis, est très intéressant à suivre à moyen terme, sachant que le pays fait aussi partie de la nouvelle stratégie géopolitique chinoise « One Belt One Road », qui ambitionne de créer une zone économique intégrée, couvrant 4,4 milliards de population et d’un volume total de 20 000 milliards de dollar US.

La localisation du Turkménistan

La localisation du Turkménistan

A suivre.

Henri K.

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Et si la vision du monde est "biphasée" ? C'est ce que Henri a toujours cru, c'est également comme cela qu'il voit la Chine. Maladroit dans son écriture, souvent perdu dans ses pensées, ce responsable technique en aéronautique essaie pourtant de partager avec vous chaque jour les actualités sur l'Empire du Milieu, avec notamment les éléments à la source que vous ne verrez probablement jamais ailleurs en France.

Latest comments
  • Bonjour Henri,

    Connaissez-vous les spécificités du WJ-600A/D par rapport à la version de base WJ-600 ? J’ai cru comprendre que le WJ-600A présentait quant à lui pour seule différence un turbofan à la place d’un turbjet.

    Merci 🙂

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