L’accident du J-10S du 17 décembre 2015 ( voir la première partie de cet article) a eu pour conséquence inattendue la publication sur l’internet chinois d’articles sur les moyens d’éviter les collisions avec des oiseaux aux abords des bases aériennes. Nous avons relaté un certain nombre d’accidents dus à des impacts d’oiseaux et esquissé quelques axes de recherche pour pallier à ce phénomène (études écologiques, mise au point de radars de détection d’oiseaux, recherche sur les impacts et sur de nouveaux matériaux plus résistants). Nous allons désormais nous focaliser sur un certain nombre de moyens fonctionnant déjà aux abords des pistes d’envol civiles et/ou militaires.
Ces moyens représentent un coût non négligeables : nous disposons d’informations sur l’aéroport de Kunming qui possède un climat entre doux et chaud et est situé sur un flux migratoire imoortant ; 60 espèces d’oiseaux survolent la ville et plus de 30 espèces séjournent quelques temps dans la région. Selon Zhen Yuming, chef de section du bureau de construction aéroportuaire de Kunming, entre 800000 et 1000000 de yuans (entre 96000 et 124000 dollars US) sont dépensés annuellement pour éloigner les oiseaux. Il ajoute que l’équipe en charge de cette mission utilise un véhicule dédié, un système de filets sur 9km, des appareils de sonorisation, des bombes assourdissantes et des explosifs, ce qui a nécessité un investissement de 2 millions de yuans (241000 dollars) ; les filets doivent être remplacés tous les trois mois, 200 bombes assourdissantes sont tirés en moyenne chaque jour sauf en hiver où le nombre peut atteindre 300 ou 400, ce qui représente un total de 360000 yuans par an (46000 dollars). Au total la lutte contre les oiseaux représente un tiers du budget global de maintenance de l’aéroport (Wu Nanlan (2003), “Birds strikes hidden danger to airplane services”. china.org.cn , February 17, 2003 http://www.china.org.cn/english/2003/Feb/55984.htm).
Trois articles sur le sujet qui nous intéresse évaluent l’efficacité des différents moyens de lutte contre les collisions avec des oiseaux et sont largement repris sur d’autres sites ; le premier classe de 1 à 5 dix moyens pour éviter les collisions avec des oiseaux, le second quatre de 3 à 5 et le troisième 8 également de 3 à 5 :

Selon 3 articles parus sur l’internet chinois, valeur dissuasive des différents moyens de dispersion des oiseaux : (1) 水兵教你“花式”驱鸟,分分钟见效 – http://tour.xaoyo.com/jsdp/20160803/902330.html (2) 讓 »憤怒小鳥 »遠離 »戰鷹 »:空軍驅鳥四大利器 https://read01.com/MzK2LJ.html (3) 揭秘,空军驱鸟员8种秘密武器及战斗值, http://toutiao.com/i6289945093155586561/
Des disparités apparaissent, notre propos n’est pas de faire une analyse de ces évaluations mais de montrer l’intérêt suscité par ces différents moyens. Ces dernières années avec le développement de nouveaux avions et son corolaire, l’intensification de l’entrainement, d’une part et la pression écologique d’autre part, l’utilisation des moyens de dispersion des volatiles devient une tâche de plus en plus importante, ce qui explique en partie la palette très étendue des outils utilisés. En 2014 a eu lieu une exposition de différents moyens de lutte contre les oiseaux (la première ?) sur une base aérienne de la région militaire de Shenyang :
- exposition de moyens de lutte contre les oiseaux – 2014
- quelques dispositifs utilisés
Nous ne reviendrons pas sur la modification de l’habitat des oiseaux qui a été évoquée dans le première partie de cet article.
Dispositifs d’effarouchement visuel
Une des formes d’effarouchement visuel les plus simples et les plus faciles à mettre en œuvre est l’emploi de l’homme qui peut agiter des drapeaux et être muni de sifflets ou d’autres dispositifs sonores pour éloigner les oiseaux des pistes.
- Effarouchement visuel rudimentaire
- 驱鸟 pour 驱鸟剂 , littéralement “répulsif pour oiseau”
- Gilets avec bandes réfléchissantes de la Wuhan Changkong Machinery Factory
Les épouvantails et les leurres
Les épouvantails constituent une technique de lutte anti-aviaire très ancienne ; peu couteux, ils imitent un prédateur (souvent l’homme) et sont d’autant plus efficace qu’ils sont réalistes. Malgré tout, les oiseaux peuvent s’y habituer et l’efficacité du dispositif est alors atténuée. La photo centrale représente une silhouette rotative d’un soldat armée d’un fusil qui n’est pas sans rappeler le « rotating hunter » de la société Agri-SX du Québec destiné à déloger les goélands. Bien que la photo ne le montre pas, il est probable qu’une source sonore lui soit associée.
- Epouvantails
Les leurres imitent un prédateur et vont de l’imitation approximative à la reproduction très fidèle du prédateur. Le rapace des deux illustrations qui suivent est movile et sonorisé grâce à une alimentation solaire
- Exemles de prédateurs artificiels sur les bases aériennes
- L’aéroport international de Kunming Changshui a disposé 10 coyottes – 丛林狼 – en 3D pour éloigner les oiseaux
Des moyens éoliens sont utilisés pour faire peur ou gêner les oiseaux
- Face de hibou peinte sur une feuille métallique
- 风力驱鸟器 Dispositif éolien de contrôle des oiseaux (Wuhan Changkong Machinery Factory)
- 驱鸟风轮- roues éoliennes anti-oiseaux ; efficaces uniquement contre les petits oiseaux mais très bon marché, elles sont installées par groupe et doivent être remplacées tous les deux mois pour être toujours de couleurs vives
Les filets
Les filets d’exclusion de différents maillages sont destinés à recouvrir ou entourer un secteur pour les empêcher de traverser des zones où ils risquent de provoquer des accidents ou d’y faire leur nid. Si on ne considère que les aéroports civils, les filets ont généralement 20m de long et sont installés à 5m de chaque coté des pistes (Townshend Terry (2016) : “The Invisible Killer: Mist Nets At Chinese Airports”, birdingbeijing.com 5 mars 2016, ). En plus d’empêcher la traversée des pistes, le filet a une autre utilité : les oiseaux qui sont déjà à proximité de la piste sont effrayés lors du décollage ou de l’atterrisage et en fuyant, rencontrent les filets et une grande partie est éliminée
- Filets de la Wuhan Changkong Machinery Factory
Les procédés d’effarouchement auditifs (panorama non exhaustif !)
Les armes à feu : si l’objectif n’est pas de tuer, la forte détonation d’un coup de fusil ou d’une carabine est utilisée pour disperser les oiseaux sans les blesser. Les équipes anti-oiseaux de l’aviation chinoise les utilisent pour éloigner les volatiles lors des atterrissages et décollages mais depuis quelques années leur emploi diminue à cause des risques collatéraux
- une « équipe anti-oiseaux » en action
- Utilisation des armes à feu pour éloigner les oiseaux…
- …ou les éliminer ?
Le HIABDS, inventé par le Professeur Xi Baoshu, est un dispositif non létal de dispersion des oiseaux ; il utilise un haut-parleur électropneumatique unique qui peut amplifier les sons animaux enregistrés ou des sons artificiels de différentes fréquences à un niveau acoustique très élevé et qui porte sur de longues distances (puissance de 135 dB à 10m de distance). Il a été utilisé en Chine sur l’aéroport de Lanzhou pour disperser les buses de Chine (Buteo hemilasius) dont l’effectif a été réduit de 80% après un an d’utilisation. Le système a été utilisé aussi en 2001-2002 sur le Tianjin Binhai International Airport pour éloigner plus de 1000 corbeaux et sur le Beijing Capital International Airport lors de la visite de George W. Bush en 2002. Le système a été testé aussi aux Etats-unis sur Burke Lakefront Airport et sur d’autres aéroports ; les essais ont montré que la complexité de disperser des oiseaux varie selon les espèces, leur comportement et les périodes de l’année et que le HIABDS devait être amélioré et monté sur un véhicule afin d’être plus efficace. Source : Xi Baoshu, Zhou Mingjun & Wang Jingqun (Tsinghua University – Beijing), Richard A. Dolbeer & Thomas W. Seamans (USDA, Wildlife Services) (2002), “New Technology to Repel Birds: The High-Intensity Acoustic Bird Dispersion System (HIABDS)” Proceedings of 4th Bird Strike Committee-USA/Canada Meeting, Sacramento, CA 21-24 Oct 2002)
Les véhicules actuels équipés de dispositifs de sonorisation ont tiré parti de ces premiers essais.
Autres dispositifs sonores :
Henri KENHMANN | 2016-09-21
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Bonsoir Bruno,
Très intéressante cette deuxième partie.
A-t-on une statistique sur le pourcentage d’accidents causés par les oiseaux dans l’armée chinoise ? Je ne sais plus si tu l’as abordé dans la première partie.
Henri
Bruno R. | Author | 2016-09-21
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non à ma connaissance pas de pourcentage disponible ; il faut dire que ce n’est que depuis qques années qu’on obtient des infos et parfois des photos sur les accidents militaires…pendant la Révolution Culturelle, c’était autre chose, on a parfois qques infos mais elles sont laconiques
Henri KENHMANN | 2016-09-22
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La seule base que j’ai constitué ne concerne que des accidents de J-10. Et parmi les 16 accidents de niveau 1, 2 et 3, au moins 3 étaient à cause de la collision avec des oiseaux, même si aucun n’a été mortel.
Il pourrait être intéressant de construire ensemble une base modèle par modèle, c’est peut-être plus simple sous cet angle.
Henri
Bruno R. | Author | 2016-09-22
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hormis ceux de novembre 2013 et de décembre 2015, quel est le 3ème accident dû à un impact d’oiseaux sur un J-10 ?
Henri KENHMANN | 2016-09-22
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Septembre 2011, J-10S.
Henri