Quand j’ai commencé la rédaction de cette série d’articles il y a deux semaines, je ne pensais pas que la force aérienne chinoise s’empresserait de me fournir une preuve aussi rapide du danger que représentent les collisions avec des oiseaux !!!! Bruno, le 1er octobre 2016
Source image : http://www.weibo.com/1403915120/EaO9UoMGg
Pour un développement sur cet accident, d’autres photos et une synthèse des causes des accidents de J-10, voir l’article d’Henri « Crash d’un J-10A de l’Armée de l’air chinoise à Tianjin »
Premier de trois articles sur les collisions avec des oiseaux sur les aéroports et les bases aériennes en Chine et les risques d’accidents d’avions dus aux impacts : le premier sera consacré à quelques accidents militaires, à la prise de conscience des risques qui débouche entre autre sur la création d’un laboratoire spécialisé sur la recherche de radars de détection des oiseaux et sur quelques axes de recherche de nouveaux matériaux (pour les avions de combat).
Le second sera centré sur les différents moyens mis en œuvre sur les aéroports civils et les bases aériennes pour éviter les collisions avec les oiseaux.
Les accidents d’avions dus aux impacts d’oiseaux (bird strike en anglais, également risque aviaire en français) sont relativement fréquents ; ils se produisent généralement sur la piste ou à basse altitude et sont généralement bénins pour les avions civils, plus dangereux pour les avions de combat. Selon le Bird Strike Committee USA, créé en 1991, les impacts d’oiseaux coûtent annuellement aux États-Unis plus de 650 millions de dollars, essentiellement en dégâts causés aux appareils civils et militaires (AERO Magazine: Strategies to Prevent Bird-Strike Events). (Nous consacrons cet article aux risques engendrés par les oiseaux, les puristes rajouteraient les petits mammifères – les chauve-souris et ils auraient raison !)
Le réseau Aviation Safety Network recense 71 résultats provenant de leur base de données et répondant aux critères Collision – Object – Bird depuis septembre 1955, avec un total de 239 morts ; étonnant, le nombre d’accident d’appareils militaires ne représenterait que 7 des 71 cas !
Qu’en est-il en Chine ? Plusieurs reportages parus sur des chaines télé ou sur l’internet chinois permettent d’avoir une idée des différents moyens mis en œuvre pour éloigner/éliminer les menaces aviaires.
Les accidents d’avions en Chine dus aux impacts d’oiseaux
16 août 2016 – L’Airbus A-320-200 immatriculé B-1678 de China Eastern Airlines effectue un vol de Singapour à Shanghai avec un stop à Nanjing (vol MU2828). Alors qu’il amorce son atterrissage à Nanjing Lukou International Airport, un oiseau frappe le nez de l’avion ; les dégâts ne sont que matériels et mineurs, aucun blessé n’est à déplorer. Les réparations entraineront un retard de deux heures. Le réseau Aviation Safety Network n’a pas recensé d’accident dû à des oiseaux en Chine jusque mi-2016.
La liste qui suit des accidents ou incidents survenus à des avions militaires chinois suite à des collisions avec des oiseaux n’est forcément pas exhaustive
- 23 Août 1997 : lors d’une sortie de nuit, un JJ-7 subit des impacts d’oiseaux ; les pilotes s’éjectent
- 14 novembre 1999 : accident majeur dans une unité de la PLAAF qui selon l’article “我空军与飞鸟的“战斗” – PLA Air Force and bird « battle » a fait prendre conscience à tous les niveaux hiérarchiques de la force aérienne chinoise de l’importance de mettre en oeuvre des moyens importants pour éviter les collisions avec des oiseaux. Dans cet article, le Chef d’État-major du Département Logistique de la PLAAF, Jia Quanlin – 贾全林 fait état de la situation début 2016
- 1er Avril 2001 : le J-7B immatriculé 30901 de la 19ème Division , s’écrase après le décollage suite à un impact ; le pilote qui était commandant d’escadrille est décédé
- 12 Avril de la même année : un pilote d’essais de l’usine 132 (Chengdu Aircraft Corp) décède lors de l’accident de son J-7M au décollage dû à des oiseaux.
- 2 Juin 2001 : Accident d’un JJ-7 ; le pilote est décédé
Depuis 2011, les informations sont moins laconiques.
- le 10 mai 2011, un Su-30MKK2 de l’aviation navale de la East Sea Fleet a des problèmes de moteurs dus à des impacts d’oiseaux ; le pilote Wu Antao réussit à poser l’avion ; lui et son navigateur, LI Huadong, sont indemnes. Dans une vidéo, Wu Antao explique avoir réussi à atterrir trois minutes après l’impact.
- photographie des impacts
- pilote Wu Antao du Su-30MK2 accidenté le 10 mai 2011

accident d’un J-10S le 4 novembre 2013
- En novembre 2013, les pilotes d’un J-10S de la East Sea Fleet interrompent le décollage et s’arrêtent à 200m de la fin de la piste, des oiseaux ayant endommagé les pales des réacteurs
- Le 17 décembre 2015- La force aérienne de la marine chinoise a connu un incident de niveau 2 aujourd’hui : Un chasseur biplace J-10S de la marine, immatriculé 83147, s’est écrasé près de la ville de Wenling. Les 2 pilotes se sont éjectés et ils sont sains et sauf.
Cet accident est le plus documenté, le caractère héroïque des pilotes est largement mis en avant ; le chasseur s’est écrasé dans un étang à l’Est du pays. La presse et la télévision chinoise ont diffusé le rapport d’analyse du crash dû à l’aspiration d’un canard colvert pesant entre 1 à 1,3 kg par le réacteur. A 17h49, l’instructeur Chen Guoqiang (2000 heures de vol sur 8 types d’appareils) et le jeune Huang Xiaogang (90 heures de vol sur J-10S) qui pilote, commencent leur descente après un vol d’entrainement. Les 2 pilotes entendent soudainement un bruit sourd du réacteur ; Cheng constate une baisse drastique de la poussée et une décélération de l’avion, il reprend le contrôle de l’appareil alors que tous les écrans du cockpit sont éteints ; il indique à Wang et au sol que le moteur est en dysfonctionnement important. Quelques seconds plus tard, les écrans se rallument avec l’alimentation de l’APU, les pilotes entendent une série de sons d’avertissement « Arrêt du moteur en vol« , « défaillance de la pompe d’alimentation« , « erreur du système d’alimentation du courant direct« …etc, le voyant « Danger » clignote sur les 2 HUD. La vitesse du moteur continue à baisser, l’altitude de l’avion est de 734 m. A 17h50m01s, Cheng tente en vain de rallumer le moteur. L’appareil vole à 295 km/h, l’altitude est de 651 m.A 17h50m05s, il informe la tour de contrôle que l’avion ne peut plus atteindre la piste et qu’il va essayer de le poser dans une zone inhabitée, car l’appareil a encore 2 t de carburant et 200 obus de canon. Il vire l’avion vers la droite vers une zone avec relativement peu de lumière d’habitations. A 17h50m09s, l’altitude a chuté à 550m ; à 50m13s, Cheng voit devant lui une zone habitée et vire vers la droite pour tenter de trouver une zone « noire », l’appareil est alors à 486m. Deux secondes plus tard, à 300m d’altitude, Cheng fait planer l’avion vers une zone relativement sombre, il rétablit l’assiette de l’avion et les pilotes se préparent à l’éjection ; Cheng, à l’arrière, s’éjecte en premier, suivi par Wang cinq secondes plus tard. L’avion s’écrase dans un étang, les pilotes sont indemnes.
- Restes du J-10S
- Les deux pilotes héroïques félicités par les villageois
- Le J-10S dans le lac non loin des habitations
Risque aviaire : les axes de la recherche
Avant de voir les moyens mis en œuvre sur les bases aériennes pour lutter contre le phénomène de « bird strike » dans la suite de cet article, examinons quelques axes de la recherche.
Un laboratoire spécialisé
Le risque est pris très au sérieux par les autorités chinoises depuis plusieurs années et récemment pour mieux connaître et ainsi lutter plus efficacement contre les dangers que représentent les collisions avec les oiseaux pour les avions au décollage ou à l’atterrissage , l’aéroport de Tianjin Binhai a créé le 29 avril 2016 le premier laboratoire d’analyse écologique ; les chercheurs considèrent dans ce projet l’aéroport comme un système écologique indépendant et étudient la corrélation entre l’activité des oiseaux et l’environnement naturel (sol, eaux, végétation, chaine alimentaire…) ainsi que l’efficacité des différentes méthodes de dispersion. L’objectif est de réduire l’activité des oiseaux autour de l’aéroport. Ce laboratoire sera créé avec l’appui de la Naval University of Engineering à Tianjin qui travaille sur ce projet depuis 2011 (Liu Zhenjiang, Gao Yi duTianjin Branch Campus de la Naval University of Engineering, Tianjin) (2011) “Exploration and practice on creating the laboratory of prevention and control of bird strike at airport”, Experiment Science & Technology, 2011-01 (« This paper introduces the necessity of creating the laboratory of prevention and control of bird strike at airport,and elaborates the construction of the laboratory of prevention and control of bird strike in aspects of biological specimen,the wall charts,and the software system.Finally,the next development planning of the laboratory of prevention and control of bird strike at airport is made out ».)
Les études écologiques sur la faune aviaire des aéroports
De nombreuses études écologiques ont déjà été menées sur des aéroports civils, comme celle de Zhu Shijie & Chang Hong de la School of Life Sciences (Sun Yat-sen University à Guangzhou) intitulée « Bird community ecology and bird strike avoidance at Foshan Airport, Guangdong » et parue dans le Chinese Journal of Applied and Environmental Biology en mai 2005. On pourrait ajouter celles qui concernent les aéroports de Kunming (2012), Hailang (2010), Fuyang (2010), Nanning Wuxu (2008), Huangshan (2008), Gaoping (2008), Guilin Liangjiang (2001 et 2002), etc.
Aux alentour de l’année 2000, l’Administration de l’Aviation Civile du Yunnan a investi dans une recherche sur le contrôle des oiseaux sur et autour des aéroports menée par le Yunnan Institute of Environmental Science. Les résultats de cette expertise ont démontré que pour un résultat probant, les sources de nourriture des oiseaux devraient être éliminées ou réduites drastiquement mais que l’expansion urbaine tend à augmenter les détritus et les usines de traitements, les abattoirs, les usines de traitement du poisson, etc. et qu’il serait impératif de relocaliser loin des aéroports.
Un chercheur en zoologie de la Beijing Normal University, le Professeur Zhao Xinru- 赵欣如,collabore depuis longtemps avec les autorités militaires et civiles en leur transmettant ses connaissances sur les flux migratoires, les différentes espèces et leurs comportements, etc. il participe aussi depuis de nombreuses années à l’élaboration de radars de détection des oiseaux (voir plus bas) : (Ning Huansheng, Liu Wenming, Li Jing, Zhao Xinru (200) : “Research on Radar Avian Detection for Aviation”, 《Acta Electronica Sinica》 2006-12 ; les deux premiers auteurs chercheurs font partie de la School of Electronic Engineering, Beihang University et le troisième du Center of Aviation Safety Technology,CAAC,Beijing)

La PLAAF a converti certains vieux réacteurs pour répandre des répulsifs et éliminer les sources de nourriture des oiseaux
Ces études permettent d’adopter des initiatives passives de gestion de la faune en plus des mesures actives pour disperser et éloigner les oiseaux dont nous parlerons plus bas. Ces initiatives passives “ visent à contrôler les éléments d’un aéroport qui attirent la faune… Par exemple, le fait de modifier de grandes superficies susceptibles de former un habitat pour la faune en supprimant les étangs et les perchoirs réduira la nécessité d’une gestion active. En revanche, le simple éloignement des oiseaux des pistes au moyen de techniques actives risque d’être inefficace si des mesures passives n’ont pas été prises par exemple pour réduire les sources de nourriture, d’eau et de refuge à d’autres endroits de l’aéroport.” (“Un ciel à partager – Guide de l’industrie de l’aviation à l’intention des gestionnaires de la faune” (2004), Ministre des Transports, Canada, voir en particulier les Chapitres 7 et 8).
Pour éloigner les oiseaux des aéroports, la PLAAF utilise l’épandage de produits chimiques répulsifs pour les volatiles mais sans danger pour l’homme, qui de plus éliminent les vers et autres sources potentielles de nourriture des oiseaux.
Les radars de détection
La détection joue également un rôle préventif : grâce à des radars spécialisés dans la détection des oiseaux, les plans de vol des avions peuvent être modifiés et des rencontres inopportunes évitées.
Des systèmes radars occidentaux ont été achetés et équipent des aéroports civils, comme le « MERLIN Aircraft Birdstrike Avoidance Radar » de la société américaine DeTect, Inc. qui est commercialisé par l’intermédiaire de Beijing Yotaisc Science and Technology Development Co Ltd ; d’autres systèmes proviennent de la société canadienne Accipiter via IPS Securex Holdings de Singapour qui les commercialise en Asie.
Les chinois ne sont pas en reste pour les recherches sur les radars aviaires ; les principales institutions en effectuant sont :
- la Beihang University qui a déjà mis au point au moins un radar de ce type; les deux chercheurs fortement impliqués sont Ning Huansheng (1975-), Docteur, Professeur associé à la School of Electronic and Information Engineering et Chen Weishi (1982-) chercheur au Airport Research Institute. Ils se sont entre autres spécialisés dans les risques aviaires.
- le Airfield Service Technical Research Center of Air Force, Beijing (Lu Jianli, Yang Wenshan, Shi Zeyong)
- le Département Mesures et Radars de Contrôle du 27ème institut du CETC (China Electronics Technology Group Corporation), encore appelé Zhongyuan Electronics Technology Research Institute
- le Center of Aviation Safety Technology de la Civil Aviation Administration of China
- etc.

Radar d’artillerie sur Taoyuan International Airport
Certains aéroports étrangers comme Taoyuan International Airport ou Dallas sont surveillés par radar d’alerte anti-artillerie (反火砲預警雷達制) pour détecter les oiseaux ; similaire au AN/TPQ-50 américain qui protège la Maison Blanche et le Département d’Etat, il permet d’interpréter la distance, la votesse, l’altitude, les variations de vol des oiseaux ; il est associé à une caméra thermique qui permet de fournir des indications sur l’espèce d’oiseaux en vol. Les Chinois auront sans doute aussi testé ce genre de moyens de détection, nul doute que la China Electronics Technology Group Corporation ne soit plus impliquée que les publications scientifiques permettent d’imaginer.
Les matériaux résistants aux collisions avec des oiseaux
Un autre axe de recherche aborde la résistance des matériaux aux impacts de volatiles. Les scientifiques tentent de renforcer les zones exposées, de les rendre moins vulnérables aux impacts. les travaux différent en fonction des zones exposées.
Les radomes : La Northwestern Polytechnical University – NWPU à Xi’an a évalué en 2013 l’utilisation d’un radôme en matériaux composites à structure en nid d’abeille après avoir testé différentes épaisseurs et structures ; l’objectif est de minimiser les dégâts du radôme et d’en protéger les équipement en cas d’impact tout en conservant de bonnes propriétés électromagnétiques.
Des méthodes de simulation numériques ont été mises au point par des membres de la School of Aeronautics de la NWPU ainsi que des méthodes de projection d’oiseaux artificiels de 1,5kg pour les essais, ces derniers en collaboration avec le Aircraft Strength Research Institute de Xi’an. Les résultats ont montré que l’utilisation lors des essais d’oiseaux artificiels est aussi précise que celle d’oiseaux réels. A la NWPU, les recherches sont dirigées par le Professeur Li Yulong (1961-)

Li Yulong, spécialiste des radars de détection des oiseaux

Tests réels et simulation sur les impacts d’oiseaux au niveau des radômes

Schéma d’installation de test d’impact d’oiseaux sur les cockpits
La verrière des cockpits des avions de combat : Yue Zhufeng (1965-), Docteur et professeur au Department of Engineering Mechanics de la NWPU, spécialiste de la conception d’avion, de la résistance structurelle a dirigé plusieurs recherches sur les caractéristiques des impacts, les zones les plus fragiles. La Nanjing University of Aeronautics & Astronautics- NUAA a mené aussi des recherches à travers son Key Laboratory of Fundamental Science for National Defense-Advanced Design Technology of Flight Vehicle ou son Department of Aircraft Engineering en coopération avec la Hongdu Aviation Industry(Group) Corporation Limited,Nanchang et l’Institute of Astronautics and Aeronautics, University of Electronic Science and Technology of China,Chengdu. Les illustrations sont extraites de : Zhu Shuhu, Tong Mingbo, Wang Yuequan (Key Laboratory of Fundamental Science for National Defense-Advanced Design Technology of Flight Vehicle, 2009) : “Experiment and Numerical Simulation of a Full-Scale Aircraft Windshield Subjected to Bird Impact” 50th AIAA/ASME/ASCE/AHS/ASC Structures, Structural Dynamics, and Materials Conference, 4-7 May 2009

Simulation et tests réels d’impacts sur la verrière d’unavion de combat

Comparaison entre les modélisations mathématiques et les tests réels
Collectionneur | 2016-09-17
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Bonjour de Catalogne 😉 Le wifi de mon hôtel est déplorable… Je signale juste une erreur de style concernant l’accident du 17 décembre 2015, Il est indiqué 200 cartouches dans le canon, c’est plutôt des obus.
Sinon, l’aviation chinoise n’utilise pas de faucons pour chassé les oiseaux comme en France ?
Bruno R. | Author | 2016-09-17
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bonjour, pour les obus, c’est modifié ; et bien sût la force aérienne chinoise utilise des faucons, des singes et des chiens …je développe tout cela dans la seconde partie que je suis en train de rédiger